"Tandis que les experts continuent d’expliquer pourquoi le « calme » a
pris fin, ce qu’il faut clairement expliquer, c’est la retenue des
Palestiniens face à la violence des Israéliens.", écrit dans Haaretz,
Amira Hass, qui s’inscrit en faux dans la manière dont les médias
présentent la situation en Israël/Palestine.
"Le déchaînement d’agressions à coups de couteau est de retour ? La
vague de terreur bat son plein une fois de plus ? Vous avez tort,
Messieurs Dames. La vague, c’est un océan, la terreur n’a jamais cessé
et son audace ne fait que croître. On ne l’appelle pas par son vrai nom –
on la qualifie de « sécurité » : Ses auteurs se promènent librement et
obéissent à l’ordre d’intimider quatre millions d’êtres humains.
Vous faut-il une traduction ? Le régime militaire qui nous est imposé
depuis des dizaines d’années, c’est de la terreur pour les
Palestiniens.
Moi aussi, je crois que c’est de la terreur car les gens sont
intimidés à tel point que leur vie leur est volée et que leur santé,
leur bien-être et leur maison sont détruits afin que nos maîtres
jouissent de leurs droits, gagnent en politique et en économie en
étendant leur territoire, par exemple Sussia, Kfar Adumim et la vallée
du Jourdain où l’irrigation des fines herbes paye bien, et en exportant
des armes. La terreur, ce sont des dizaines de milliers de soldats armés
déployés en Judée, en Samarie et à Jérusalem, ville unifiée. Ils
apportent la frayeur, car on les y envoie pour perpétuer cette infâme
dépossession.
Un individu armé d’un fusil regarde dans un miroir : il est terrorisé
par l’image d’une personne qui braque une arme à feu sur lui. Ce n’est
pas une illusion d’optique ; c’est cognitif. Il semble que nous ne
puissions pas nous voir comme la cause, des agresseurs – disons-le
franchement – des terroristes, vis-à-vis de ceux qui, depuis leur
naissance vivent sous une pluie de décrets militaires, nos fusils,
tanks, avions, hélicoptères et drones crachant du feu sur eux.
Nous ne nous voyons pas ? Je corrige : Nous refusons de nous voir
comme la cause. Dans un réflexe pavlovien rabattu et ennuyeux, nos
médias qualifient de « vague » les agressions à coups de couteau, et
avec l’aide d’analyses savantes, expliquent pourquoi le « calme » est
terminé. Ça peut aussi virer au pathétique : « Une terroriste de treize
ans a essayé de donner des coups de couteau, au poste de contrôle
d’Eliyahu. On a tiré sur elle. Légèrement blessée ». Reportage de
« Channel 7 », chaîne du colon-qui-pense. Ce reportage n’a pas changé,
même après qu’il s’est avéré que le sac « suspect » que portait la
fillette ne contenait rien qui puisse mettre en danger la vie de nos
soldats (par ex. un couteau, un tournevis ou un crayon pointu). Un
présentateur de Radio Israël a même continué de décrire ses mouvements
au poste de contrôle comme une tentative d’attaque. Réalisateurs et
reporters vont et viennent mais le titre reste : « Les Palestiniens ont
recommencé à nous attaquer, nous les nebechs (les misérables) du
ghetto ».
Le titre « Inquiétude au sujet de l’éruption d’incidents (de
sécurité) » est déployé en tête de la page d’accueil du site web
d’Haaretz. Il n’est pas là pour rassembler des reportages sur la façon
dont des dizaines de jeunes Palestiniens deviennent handicapés après des
tirs de balles IDF Ruger dans leurs genoux. Ce n’est pas le même titre
pour le déchaînement d’interdictions de quitter la bande de Gaza, ou
pour une autre vague de soldats, tueurs de Palestiniens qui ne posaient
aucun danger de mort : à al-Fawar (Mohammed Hashash), Silwad (Iyad
Hamed), Shoafat (Mustafa Nimer). Vous n’y trouverez pas de titre
résumant les orgies quotidiennes que sont les incursions militaires (au
moins 116 entre le 9 et le 21 septembre). Par exemple, à Bil’in mercredi
dernier (le 21), au matin : Les « nebechs » du ghetto ont fait
irruption chez des militants des Comités de résistance populaire –
faisant une peur bleue aux enfants – et ont confisqué (c.-à-d. volé) des
ordinateurs et des téléphones cellulaires. Ni morts ni blessés pour nos
soldats : la réalité est une victime dont on ne parle pas !
On fait des reportages sur une nouvelle vague de terreur lorsque des
juifs : soldats, gardes-frontières, sont atteints ou se sentent menacés.
Des dizaines de milliers d’histoires et de reportages – principalement
dans Haaretz – qui traitent de violence militaire et bureaucratique en
Israël, se transforment en accidents aléatoires. Le flot intolérable et
continu de harcèlement délibéré contre les Palestiniens est lié au fait
que nous sommes des occupants militaires étrangers, et ne se voit pas
comme un continuum, dans le milieu journalistique.
Les journalistes aiment le drame et la tragédie. Quand le désastre
est permanent, ça ne fait plus sensation, spécialement lorsque la cause,
c’est nous. Les misères journalières que nous infligeons aux
Palestiniens n’existent pas dans le monde des israéliens. C’est pourquoi
ça fait rarement la une, et l’absence de gros titres, à son tour, forme
dans notre esprit, une réalité dans laquelle tout est bien. Alors se
forme une tout autre réalité où l’on se pose la question : « Qu’est-ce
qu’ils ont ces Palestiniens à encore nous attaquer ? »
Un citoyen jordanien et six Palestiniens, y compris quatre mineurs,
ont péri sous le feu israélien en moins d’une semaine, au cours de
tentatives d’attaques ou d’attaques présumées. Le 9 septembre, une bombe
éclairante lancée par « l’Armée de Défense d’Israël », a tué Abdel
Rahman al-Dabbagh, âgé de 16 ans, alors qu’il manifestait contre le
siège de Gaza, près de la barrière. La réponse probable à la question de
savoir s’il y avait un moyen autre que celui de tuer toutes ces
personnes, sera que les fusillades ont obéi aux règles d’engagement.
Le déni cognitif empêche les israéliens de se rendre compte du réel
degré de retenue des Palestiniens. Parmi les quatre millions de victimes
de cette constante terreur, seule une poignée d’entre eux expriment
leur désespoir par des actes qui les conduisent presque certainement à
la mort. C’est cette retenue collective, non le petit nombre de
d’attaques au couteau ou de tentatives d’attaque à la voiture bélier,
qui mérite une explication. Cette retenue est un bien-fondé, car ce
n’est pas le bon moment pour une lutte de masse. Cette retenue exprime
le désespoir, parce que ceux qui écoutent partout dans le monde, ne sont
pas les décideurs et que ceux qui décident n’écoutent pas.
On trouve également de l’espoir dans la retenue des Palestiniens :
Ils sont du côté de la justice et de l’avenir, puisqu’ils combattent
pour leur libération. "
Traduit par Chantal C. pour CAPJPO-EuroPalestine
Source : http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.744264
CAPJPO-EuroPalestine
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