Nous devons nous poser la question de savoir comment il se fait que,
trois ans après l’Holocauste [en 1948 -ndlr], les Juifs peuvent avoir
été aussi insensibles, au point d’être si déterminés à commettre un
crime d’une telle ampleur.
Je crois que la première leçon que nous devons tirer en examinant la
connexion entre l’idéologie sioniste et les gens qui ont perpétré le
nettoyage ethnique et ceux qui ont dirigé les opérations sur le terrain,
la première leçon que je tire au regard des faits [crimes] qui nous
concernent aujourd’hui, c’est que nous devons concentrer notre
actions sur les noms des gens et ne pas nous satisfaire de vagues
concepts. Nous ne combattons pas quelque chose que nous ne voyons pas.
Bien sûr que nous sommes, que je suis, un anti-sioniste et nous
pouvons dire que nous combattons le sionisme, que nous combattons
Israël, que peut-être nous combattons un certain groupe de Juifs, etc.
Mais nous devrions être plus spécifiques dans ce que nous disons. Nous combattons des gens qui sont des criminels. Et nous connaissons leurs crimes. Nous devons agir en professionnels et non pas de façon uniquement émotionnelle.
Il y a eu un moment fort en Grande-Bretagne, qui nous a montré la
voie. Quand le commandant en chef de l’attaque contre la bande de Gaza
était venu pour un week-end de shopping à Londres, il avait du rester
avec le personnel de nettoyage dans l’avion d’El Al, parce qu’un groupe
d’activistes avait dit aux autorités britanniques qu’ils allaient exiger
son arrestation pour crimes de guerre et c’est quelque chose qu’il ne
voulait pas risquer.
Ainsi donc, nous devrions savoir connaître la nature des crimes
d’aujourd’hui, comme nous connaissons la nature des crimes d’hier. Nous
devrions connaître les noms des gens impliqués là-dedans. Parce que nous
avons peu de chances d’aller de l’avant si nous adoptons un langage
très vague à propos de qui fait quoi et à qui. Nous devrions connaître
les noms des victimes. Nous devrions connaître les noms des endroits où
les crimes ont été commis.
Nous devrions en fait nous montrer très sérieux, à ce sujet.
Nous devrions traquer ces gens jusqu’au moment où nous saurons qui ils
sont. Nous voulons les noms des pilotes qui ont largué des bombes sur les Palestiniens de la bande de Gaza. [Nous n’avons eu aucun nom jusqu’ici – ndlr]
Nous ne combattons pas les aéroports israéliens, nous voulons le nom
du pilote. Nous voulons son nom ! Personne ici ne connaît, je vous
assure, personne ne connaît le nom du commandant israélien des Forces
aériennes. Mais, en fait, cet homme est un archi-criminel, et vous ne connaissez même pas son nom !
Vous devriez connaître son nom, tout autant que vous devriez connaître
les noms de ses victimes, si vous voulez réussir politiquement.
Cela ne suffit pas de parler du fait qu’Israël commet des
crimes de guerre, c’est comme si vous disiez que l’Amérique commet des
crimes. Cela n’a jamais fait bouger quoi que ce soit, des propos aussi vagues.
Il est plus facile de le faire en tant qu’historien traitant de 1948,
je le concède. Mais je pense qu’il y a un modèle, ici, que nous
devrions adopter pour nos activités et nos actions dans le présent et
dans un proche futur.
Vidéo ICI 3'47
Traduction : Jean-Marie Flémal
Auteur de nombreux ouvrages, Ilan Pappe est professeur d’histoire et directeur du Centre européen des Études palestiniennes à l’Université d’Exeter (Angleterre).
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