Ali Abunimah expose ici comment Israël exploite à des fins de vulgaire
propagande ses interventions soit-disant humanitaires dans les pays où
se produisent des catastrophes naturelles. Par ailleurs, l’intervention
d’Israël au Népal a mis en lumière son implication dans un trafic de
nouveaux-nés.
Le directeur de l’organisation Human Rights Watch
a critiqué Israël pour déployer des moyens en aide d’urgence pour le
Népal suite au tremblement de terre, tout en continuant à bloquer la
reconstruction à Gaza.
« Il est plus aisé de traiter une catastrophe humanitaire lointaine que celle qu’Israël impose à sa voisine Gaza » a tweeté Kenneth Roth en faisant référence à l’annonce par Israël que des équipes médico-militaires étaient envoyées à Katmandou.
« Cessez le blocus ! » a exigé Roth. Plus tôt ce mois-ci, 46
organisations humanitaires internationales ont appelé à des sanctions
contre Israël s’il ne mettait pas un terme à son blocus sur Gaza qui a
empêché la reconstruction même d’une seule maison depuis les huit mois
qui se sont écoulés depuis l’assaut dévastateur de l’armée israélienne
l’été dernier.
« Le blocus est une véritable punition collective. Il est imposé en
violation de [loi d’humanitaire internationale] et, selon les Nations
Unies, il peut entraîner une condamnation pour crimes de guerre » dit
le rapport, signé par Oxfam et Save The Children, entre autres organisations.
Malgré le fait que plus de 100 000 personnes dont les maisons ont été
détruites par Israël restent sans abri, « aucun logement permanent n’a
été reconstruit » ajoute ce rapport.
Plus de 2200 Palestiniens ont été assassinés dans l’assaut israélien,
avec parmi eux 547 enfants. Au moins 11000 Palestiniens ont été
blessés.
En dépit de l’urgence de l’appel des organisations humanitaires pour
Gaza, le rapport a été pratiquement ignorées par des médias dominants
dans le monde.
L’ambassadeur des États-Unis se met de la partie
Les derniers rapports estiment le nombre de morts au Népal - suite au
tremblement de terre de samedi et aux dizaines de répliques sismiques -
à plus de 3000, avec une grande partie des dévastations concentrées
dans la capitale de Katmandou.
En attendant, l’ambassadeur des États-Unis en Israël, Dan Shapiro,
s’est mis également à vouloir exploiter à son profit la tragédie, tweetant que les États-Unis et Israël « ont [] la même réponse : annoncer des secours et une aide humanitaire immédiates ».
Propagande sur le dos des victimes
L’exploitation par Israël de l’aide internationale en cas de
catastrophe pour polir son image sanglante est une routine bien huilée
qui fait partie de la politique officielle.
« Vous êtes envoyés pour une mission importante » a éructé le
Premier ministre Benjamin Netanyahu aux soldats expédiés au Népal.
« C’est le vrai visage d’Israël - un pays qui fait tout ce qui est en
son pouvoir en de tels moments ».
En 2013, Israël a déployé des équipes d’aide aux Philippines après
que des milliers d’habitants aient été tués par l’ouragan Haiyan.
Il avait alors monté une campagne sophistiquée de propagande en
multimédia, avec entre autres moyens un compte dédié sur Twitter et des
vidéos sur YouTube, pour se vanter sur ses initiatives.
Le blogger sur The Electronic Intifada, Benjamin Doherty, a qualifié ce genre de propagande de « blanchissement d’image ».
Doherty, écrivant avant la dernière attaque dévastatrice d’Israël sur
Gaza, avait noté que les efforts d’Israël étaient loin d’être
exceptionnels, bien qu’ultra-médiatisés, et dans le cadre des événements
dans sa propre région, étaient infimes :
Une catastrophe humanitaire en Syrie a poussé des millions de
réfugiés dans les pays voisins, alors qu’Israël a fait quelques
d’efforts pour fournir des soins de santé à quelques Syriens. Les
efforts minuscules de l’armée israélienne pour fournir de l’aide à une
poignée de Syriens sont sur-exposés dans les médias du monde, alors que
les camps et les villes de réfugiés en Jordanie, en Turquie et au Liban
sont surchargés de réfugiés voulant échapper à la violence. Il n’y a
aucun autre pays qui fait aussi peu, et qui fasse cependant autant de
bruit.
Des moyens qui n’ont rien de particulier
En effet, des dizaines de pays et d’organisations humanitaires
envoient de l’aide d’urgence au Népal. Ramenée à l’importance de son
budget militaire, la contribution israélienne à l’assistance humanitaire
ne contraste en rien avec ce que d’autres pays font.
En plus des approvisionnements, le Royaume-Uni a envoyé sept équipes
de recherche et de secours, quatre chiens dressés à la recherche de
victimes et une équipe de médecins spécialisés dans les traumatismes.
Le Qatar a annoncé qu’il avait mis en service un « pont aérien » avec
plusieurs avions transportant un grand nombre d’équipements et un
hôpital de campagne.
La Turquie a également offert d’envoyer un hôpital
de campagne de cinquante-lits.
L’Iran a indiqué être déjà en rapport avec ses voisins pour envoyer
des approvisionnements et des équipes de secours en toute urgence.
Le Pakistan a expédié quatre avions militaires de transport C-130
avec des approvisionnements et un hôpital de campagne de 30 lits.
En dépit de la publicité surdimensionnée, Israël en réalité « se
range parmi les derniers dans les pays développés pour ce qui est de
l’aide aux pays en voie de développement » selon une étude de
l’université hébraïque.
Politique officielle
Envoyer des missions d’aide d’urgence dans des pays comme le Rwanda,
l’Arménie, la Turquie, Haïti, les Philippines et la Macédoine au cours
des dernières décennies a aidé « à apporter le respect envers
l’Israël » a observé en 2013 le général israélien en retraite Shuki
Shemer. « Les missions à l’étranger contribuent à la hasbara israélienne ».
Hasbara - le mot Hébreu pour « explication » - signifie ici la
propagande étatique dans le cadre des efforts de gouvernement pour
améliorer l’image du pays.
En effet, c’était une recommandation spécifique de l’Institut Reut,
un groupe de réflexion israélien, qui a mis au point la feuille de route
d’Israël et de ses alliés pour saboter et attaquer le mouvement de
solidarité avec la Palestine et combattre la ainsi-nommée
« délégitimation ».
« Par rapport à la lutte contre le délégitimation et stigmatisation
d’Israël, Tikkun Olam a une grande importance parce qu’il crée une
dissonance avec l’image diabolisée d’Israël qui est mise en avant par
les délégitimeur » a dit le groupe Reut dans son rapport de 2010, à propos de la façon de combattre les critiques d’Israël.
Tikkun Olam est une expression qui signifie en hébreu
« réparer le monde », ce qui exprime une valeur morale dans beaucoup
d’interprétations modernes du judaïsme.
C’est également la bannière sous laquelle Israël, « l’état juif
auto-proclamé » mène à bien ses missions d’aide qui deviennent ainsi un
outil commode de hasbara.
L’Israël peut chercher à nous faire croire qu’il faut réparer le
monde, mais il ne croit certainement pas qu’il faut réparer Gaza.
« Trafic humain »
Le tremblement de terre au Népal a mis en lumière une pratique
internationale que certains comparent à du trafic d’êtres humains.
En tant qu’élément de ses « secours », Israël évacue 25 bébés mis au
monde par des mères porteuses népalaises, neuf d’entre eux étant nés
prématurément.
« Beaucoup de couples masculins israéliens ont engendré des enfants
avec l’aide de mères porteuses au Népal parce que cette pratique est
illégale en Israël pour des couples du même sexe » rapporte The
Guardian.
Les officiels israéliens ont déclaré qu’ils accéléreraient les
procédures du ministère de l’Intérieur pour permettre aux bébés, qui
sont des citoyens Népalais et ne seraient donc pas considérés comme
juifs selon la loi israélienne, d’entrer dans le pays.
Les procédures habituelles exigent des test d’ADN démontrant que le père d’un bébé est israélien.
Il y a eu une forte campagne pour légaliser ce système de mères
porteuses (substitution) pour les couples gais en Israël, afin de venir à
bout de ce problème et de recruter ces couples dans la guerre d’Israël
contre la ainsi-nommée « menace démographique » représentée par les
Palestiniens.
Les activistes gais juifs voient la pratique de substitution pour des
couples du même sexe comme importante pour « maintenir l’avantage
démographique par rapport aux non-juifs » explique Hertz, un avocat
pro-Israël du LGBT.
« Légaliser la substitution pour des homosexuels en Israël
permettrait à des oeufs (sic) juifs d’être dans des mères juives » a
argumenté Fred Hertz..
Tandis que les bébés sont transportés par avion hors du pays, il n’y a aucun mot sur le destin de leurs mères.
La substitution à but lucratif, où les gens des pays riches payent
des femmes dans les pays désespérément pauvres pour porter un bébé pour
leur compte, est une industrie en croissance rapide dans des endroits
comme l’Inde, la Thaïlande et le Népal, ce dernier ayant un PIB par
habitant d’à peine 730 dollars US.
La pratique de la substitution commerciale est illégale dans beaucoup
de pays européens. On permet la substitution non-commerciale dans
quelques pays européens. Quelques états aux États-Unis permettent les
transactions commerciales, mais l’attraction de pays comme l’Inde et le
Népal est est lié au fait qu’ils sont bien meilleur marché.
Un article paru en 2010 dans Mother Jones
sur les entreprises de « location d’utérus » en Inde a décrit « les
dortoirs de gestation » qui sont de véritables « usines à bébés » et a
repris les accusations selon quoi les femmes font face à des procédures
qui peuvent mettre en danger leur santé.
L’Inde a récemment imposé de nouvelles restrictions à son industrie
commerciale de substitution estimée à 1,5 milliards de dollars par an.
L’été dernier, la Thaïlande a lancé un enquête après que neuf bébés
de remplacement aient été trouvés dans des circonstances qui suggéraient
qu’ils étaient victimes d’un trafic impliquant l’Australie.
Cette industrie mondiale mal réglementée a gagné l’année dernière une
certaine notoriété après qu’un couple australien ait été accusé d’avoir
abandonné un bébé né d’une mère de substitution en Thaïlande, après
avoir découvert que le garçon, appelé Gammy, était trisomique.
La Thaïlande envisage d’interdire cette pratique.
* Ali Abunimah est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine. Il a contribué à The Goldstone Report : The Legacy of the Landmark Investigation of the Gaza Conflict. Il est le cofondateur de la publication en ligne The Electronic Intifada et consultant politique auprès de Al-Shabaka, The Palestinian Policy Network.
Info Palestine
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire