Victor Ayoli
Il n'y a pas que le beaujolpif !
Tandis que claquent au vent du nord les oriflammes des Confréries
vineuses, tandis que sonnent de joie les cent clochers de la cité, la
Place du Palais des Papes retrouve, pour une fugitive soirée, ses fastes
multicolores d'antan. Du temps où Avignon était capitale du monde, du
temps où défilaient sous les abruptes murailles du plus grand palais
gothique de la planète les ambassades chamarrées, colorées et
bruissantes de musiques des grands et des puissants de la chrétienté.
Mais c'est grâce à Bacchus que la cité provençale - où Saint-Pierre,
pour un temps accrocha sa barque - retrouve les fastes pour lesquels
elle est née.
Bacchus, le dieu de la vigne qui préside chaque année, le troisième
jeudi de novembre, aux grandes bacchanales données en l'honneur de la
naissance du Vin Primeur !
Les cinq cents robes de satin moiré, de soies multicolores des
membres de toutes les Confréries vigneronnes de la deuxième aire
d'appellation de France remontent solennellement, sous les vivats de
cette foule avignonnaise si friande de fêtes, la principale artère de la
ville. Elles se regroupent en un fastueux kaléidoscope aux pieds des
imposantes murailles du Palais des Papes, orgueilleusement paré des
atours de la Fête.
Fête du vin primeur, du vin nouveau, du premier vin sorti en chantant des cuves encore frémissantes.
Fête du Vin, fête de Bacchus, fête de la joie de vivre, fête des vignerons dont elle chante la Gloire.
Gloire au vigneron, ce poète de la terre, ce magicien qui, d'arides
cailloux fait naître le nectar préféré des dieux. Cet humaniste qui
offre à ses prochains le moyen d'approcher la Lumière divine. Ce faiseur
de vie dont la sueur féconde les entrailles de la terre. Ce paysan
sacré qui crée le sang de Dieu.
Gloire aussi au Vin, ce dieu végétal qui prodigue généreusement à
l'Homme la vigueur et l'esprit, l'humour et l'amour. Ce rassembleur qui
rapproche en une communion dionysiaque les puissants et les humbles. Ce
sésame du désir et du plaisir qui nous ouvre en chantant le cœur et le
piège à bonheur de nos belles compagnes.
Gloire encore à la futaille, aux tonneaux, aux barriques, qui protègent, mûrissent et enfantent le Vin.
Et gloire à la bouteille, oblongue ou ventrue, dont la panse repue est une récompense.
Gloire au modeste bouchon, gardien de joie et d'éternité, dont le pop joyeux est un signal de Fête.
Gloire au hanap, au verre, au calice, au taste-vin et à la Coupo Santo, ultimes véhicules entre le Vin et l'Homme.
Gloire enfin aux Buveurs, mes frères, qui envahissent la Place et
cherchent en se serrant l'espace qui dispense généreusement le Premier
Vin.
Voilà ce qu'est la Fête des Vins Primeurs à Avignon où l'on chante,
où l'on danse, où l'on épanche en beauté les plus larges soifs !
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