lundi 20 novembre 2017

À Avignon : quand les vins primeurs font la Fête


Victor Ayoli

Il n'y a pas que le beaujolpif !

Tandis que claquent au vent du nord les oriflammes des Confréries vineuses, tandis que sonnent de joie les cent clochers de la cité, la Place du Palais des Papes retrouve, pour une fugitive soirée, ses fastes multicolores d'antan. Du temps où Avignon était capitale du monde, du temps où défilaient sous les abruptes murailles du plus grand palais gothique de la planète les ambassades chamarrées, colorées et bruissantes de musiques des grands et des puissants de la chrétienté.
Mais c'est grâce à Bacchus que la cité provençale - où Saint-Pierre, pour un temps accrocha sa barque - retrouve les fastes pour lesquels elle est née.
Bacchus, le dieu de la vigne qui préside chaque année, le troisième jeudi de novembre, aux grandes bacchanales données en l'honneur de la naissance du Vin Primeur !
Les cinq cents robes de satin moiré, de soies multicolores des membres de toutes les Confréries vigneronnes de la deuxième aire d'appellation de France remontent solennellement, sous les vivats de cette foule avignonnaise si friande de fêtes, la principale artère de la ville. Elles se regroupent en un fastueux kaléidoscope aux pieds des imposantes murailles du Palais des Papes, orgueilleusement paré des atours de la Fête.
Fête du vin primeur, du vin nouveau, du premier vin sorti en chantant des cuves encore frémissantes.
Fête du Vin, fête de Bacchus, fête de la joie de vivre, fête des vignerons dont elle chante la Gloire.
Gloire au vigneron, ce poète de la terre, ce magicien qui, d'arides cailloux fait naître le nectar préféré des dieux. Cet humaniste qui offre à ses prochains le moyen d'approcher la Lumière divine. Ce faiseur de vie dont la sueur féconde les entrailles de la terre. Ce paysan sacré qui crée le sang de Dieu.
Gloire aussi au Vin, ce dieu végétal qui prodigue généreusement à l'Homme la vigueur et l'esprit, l'humour et l'amour. Ce rassembleur qui rapproche en une communion dionysiaque les puissants et les humbles. Ce sésame du désir et du plaisir qui nous ouvre en chantant le cœur et le piège à bonheur de nos belles compagnes.
Gloire encore à la futaille, aux tonneaux, aux barriques, qui protègent, mûrissent et enfantent le Vin.
Et gloire à la bouteille, oblongue ou ventrue, dont la panse repue est une récompense.
Gloire au modeste bouchon, gardien de joie et d'éternité, dont le pop joyeux est un signal de Fête.
Gloire au hanap, au verre, au calice, au taste-vin et à la Coupo Santo, ultimes véhicules entre le Vin et l'Homme.
Gloire enfin aux Buveurs, mes frères, qui envahissent la Place et cherchent en se serrant l'espace qui dispense généreusement le Premier Vin.

Voilà ce qu'est la Fête des Vins Primeurs à Avignon où l'on chante, où l'on danse, où l'on épanche en beauté les plus larges soifs !

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