Victor Ayoli
Des coups de triques contre des bulletins de vote… Craignos, Rajoy !
La manière rappelle les plus sombres heures fascistes – la droite
espagnole semble, hélas, renouer avec son passé franquiste – et vise
plus à l’intimidation cynique qu’au rétablissement de l’état de droit.
Qu’espère-t-il Rajoy ? Que la disproportion de la répression radicalise
les Catalans afin de pouvoir les réprimer plus durement ? Calcul
d’apprenti sorcier dans un pays qui a connu l’une des plus terribles
guerres civiles.
Pourtant le jusqu’au-boutisme des indépendantistes catalans ne laisse
que peu de possibilités au gouvernement central espagnol, sauf à
accepter le dépeçage du pays et, par contagion, la tribalisation de
l’Europe. Selon les sources catalanes, la participation au
« référendum » a été de 43 % et le « oui » à l’indépendance a recueilli
plus de 90 % des voix, soit 2,2 millions de suffrages. Invérifiable
évidemment en l’absence de toute commission électorale. Mais cela est
loin, très loin de faire une majorité et de légitimer une sécession !
L'écrivain Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature, de nationalité
péruvienne et espagnole, n'a d'ailleurs pas mâché ses mots en
qualifiant l'indépendantisme catalan de "maladie".
Le gouvernement espagnol a été pour le moins maladroit d’interdire
aux Catalans de s’exprimer, d’autant plus que, par ce fait, les opposants à
la sécession ne se sont évidemment pas dérangés, ne se sont pas
exprimés, ne donnant qu’une base bien étroite malgré les chiffres
ronflants à la « victoire » des indépendantistes. Pourquoi n’a-t-il pas
couper l’herbe sous les pieds des extrémistes en organisant, légalement,
un référendum sur la volonté des habitants de la région espagnole
Catalogne de sortir de la nation Espagne, et donc aussi, par
répercussion, de l’Europe ? Avec une campagne électorale explicative,
permettant de proposer le choix entre la raison et la passion. Mis au
pied du mur, les électeurs catalans auraient réfléchi et les
indépendantistes auraient perdu ce référendum, leurs propres chiffres
(voir plus haut) le montrent. Le problème serait désormais résolu, avec
une sortie par le haut.
Au lieu de ça, la droite espagnole au pouvoir, corrompue jusqu’à
l’os, et son gouvernement méprisant ont préféré envoyer des flics…
De l’autre côté, les indépendantistes forment une coalition hétéroclite allant des « modérés » de « Junts pel Si » (ensemble pour le oui) aux extrémistes d’ultra gauche de la CUP (candidatura d’unitat popular).
Jusqu’à ce dernier dimanche, ils étaient les plus braillards et
monopolisaient l’attention des médias en occupant la rue. Mais ce
dimanche 8 octobre, les « silencieux » anti indépendantistes ont décidé
de ne plus le rester et ont, eux aussi, occupé la rue, pas centaine de
milliers.
Dès lors, la possible déclaration d’indépendance unilatérale par le
président de la Generalidad catalane, serait (sera ?) une redoutable
erreur. Parce qu’à cet acte de sécession Madrid opposera une suspension
de l’autonomie catalane, provoquant de fait ce qui sera perçu comme une
occupation espagnole de la Catalogne. Le terrible spectre de la guerre
civile planera alors, à la merci de dérapages que des provocateurs de
tous bords ne manqueront pas d’organiser. Aux fous !
Et l’Europe dans cette histoire ? Brillante par sa quasi-inexistence.
Les instances européennes semblent tétanisées devant une question qui
met pourtant en jeu l’existence même de l’Union. Alors qu’elle devrait
être à la manœuvre pour imposer une médiation aux deux parties, Frans
Timmermans, le 1er vice-président de la Commission européenne s’est
borné à réduire son intervention à deux points clés : - l’Europe ne
reconnaît que l’état de droit ; - elle soutient le gouvernement espagnol
et sa répression « vigoureuse » admettant que « la tâche de respecter
et de défendre l’État de droit peut parfois nécessiter un usage
proportionné de la force ». L’état de droit est un des fondements de
l’Europe, mais il y a aussi la défense des droits de l’homme et de la
démocratie.
Il faut dire qu’elle a le cul entre deux chaises la commission
européenne : depuis longtemps elle œuvre de manière sournoise au
démantèlement des puissants États Nations en promouvant son « Europe des
régions ». Ceci en préconisant des unions transfrontalières entre Pays
basque espagnol et français, Catalogne espagnole et française, Savoie
italienne et française, Alsace et Bade Wurtenberg, etc... autant
d’entités fondées sur une ethnicité réelle ou fantasmée et surtout un
égoïsme revendiqué vis-à-vis des Etats Nations. Le but inavoué est de
démanteler encore plus celles-ci au profit d’entités régionales plus
petites et donc plus faciles à contrôler !
Ce mouvement indépendantiste est avant tout égoïste : c’est le refus
de la solidarité, de « payer pour les autres ». L’écrivain de
nationalité péruvienne et espagnole Mario Vargas Llosa, prix Nobel de
littérature, a qualifié l’indépendantisme catalan de « maladie ». À ce
jeu dangereux, vers quelle Europe va-t-on ? Est-il concevable de laisser
la riche Catalogne rejeter le reste de l’Espagne ? L’opulente Italie du
Nord, dédaigner le pauvre « mezzo giorno », la Flandre désintégrer la
Belgique et se coupant de la Wallonie ? Etc... Le résultat de ce dépeçage
sera quelques régions riches entourées d’une multitude de territoires
plongeants, seuls, dans la pauvreté. Après quoi les puissances
financières, les mafias multinationales dicteront leurs lois à ces
petites entités politiques, avec la complicité de la technocratie
bruxelloise, des institutions financières et de l’Otan en matière de
défense.
Il est vrai que cette Europe-là est celle pour laquelle œuvrent des
technocrates élus par personne. Cette Europe dirigée par des
« commissaires » dont la majorité a fait ses études… aux USA ! Cette
Europe qui a renié ses buts premiers - paix et solidarité – pour les
remplacer par la mise en concurrence « libre et non faussée » de tous
contre tous. Cette Europe, grosse larve qui s’étale sans colonne
vertébrale, sans dessein autre que de devenir le larbin des USA à
travers les accords de libre-échange CETA et TAFTA. Cette Europe
inféodée par la félonie de ses « dirigeants » aux seuls intérêts
anglo-saxons.
Reste la question du pouvoir central espagnol. Quel avenir pour une
monarchie désuète, héritière du franquisme ? Le Roi, à une époque, a
sauvé la démocratie, mais depuis l’institution royale a été dévalorisée
par toutes sortes de magouilles et n’est plus le ferment de l’unité du
pays. Il serait peut-être temps, pour les Espagnols, de poser clairement
la question de l’abdication du Roi et de l’instauration d’une
République fédérale, respectueuse de tous les peuples espagnols.
Dur, dur de faire rêver même des Européens convaincus avec de telles perspectives.
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