L’accumulation des déceptions, des
souffrances et le manque de perspectives combinés à une mécanique
institutionnelle écrasante qui donne la primauté au Président de la
République, continuent de produire un puissant cataclysme.
La
disposition des forces politiques est totalement bouleversée. Les deux
partis hier dominants et qui prétendaient installer un bipartisme à la
française sont écartés de la scène. De chacun d’eux sont sortis
d’anciens ministres et élus pour rallier le nouveau parti de M. Macron
afin d’échapper au naufrage et de se faire réélire. Confirmation
éclatante, comme nous n’avons cessé de le relever ici, qu’il n’y avait
pas de désaccord fondamental entre eux. C’est ainsi que les candidats
portant le label du Président de la République réalisent le score le
plus élevé. Ils seront, après le deuxième tour, rejoints par d’autres,
venus des deux camps, qui piaffent d’impatience d’abandonner leurs
anciens positionnements respectifs.
Au total, beaucoup, beaucoup de députés voteront, au plus vite, de
mauvaises lois contre le monde du travail et de la création, contre les
chômeurs et les jeunes ! La correction de l’unanimisme parlementaire en
préparation ne peut venir, d’ici dimanche, que d’une mobilisation
exceptionnelle de celles et ceux qui ne se sont pas déplacés au premier
tour. Dans les circonscriptions qui le permettent encore, ils ont le
pouvoir d’élire des députés qui se battront contre les multiples projets
de régression sociale et démocratique que le gouvernement dirigé par la
droite a, par calcul, refusé de mettre sur la table avant les élections
législatives. Rarement leur engagement personnel aura été aussi concret
et décisif. Il ne sera possible qu’en surmontant les effets d’une
propagande de tous les instants qui vise à les convaincre que tout est
joué et que l’élection des députés est somme toute secondaire dans un
pays où le Président, une fois élu, décide de tout. Propagande dont
l’efficacité explique, pour une part, un niveau d’abstention inconnu
dans une élection législative depuis … l’instauration du suffrage
universel en 1848 !
C’est en quelque sorte à une attaque insidieuse contre la démocratie,
contre le régime parlementaire, et par voie de conséquence contre la
souveraineté populaire à laquelle nous assistons. Ce « retrait » des
classes populaires a une profonde signification qui devra faire l’objet
d’une profonde analyse. Non seulement ce n’est pas un bon signe pour la
démocratie, mais tout indique que la crise de la représentation
politique ne s’est pas évanouie avec l’élection de M. Macron. Elle
pourrait même s’amplifier dans quelques mois quand nos concitoyens
découvriront que, derrière de nouveaux visages, c’est la vieille
politique au service des puissances d’argent qui s’appliquerait à partir
de la caution d’une Assemblée Nationale devenue la simple courroie de
transmission du palais de l’Elysée. Pourtant, après n’avoir réalisé
qu’un quart des voix à l’élection présidentielle, le parti du Président
n’en recueille là que le tiers. Un score appréciable mais qui
n’autorise pas à conclure qu’une majorité de nos concitoyens approuve
les projets d’ordonnances pour précariser encore plus le travail et
affaiblir la défense des salariés, augmenter la contribution sociale
généralisée tout en abaissant l’impôt sur les grandes fortunes, pour
instaurer un État d’urgence permanent ou encore réduire le nombre
d’agents des services publics. En vérité il n’y a ni adhésion, ni élan
supplémentaire en faveur du Président de la République. Il tire sa force
de l’abstention et de la trop grande division des forces de gauche qui
se réclament de la transformation sociale et environnementale.
Même affaiblie, l’extrême droite reste une force importante dont les
idées de division, de haine, de racisme doivent être sans relâche
combattues. Malheureusement, la gauche ne sera pas présente dans un
nombre important de circonscriptions. Raison de plus pour relever le
défi, là où c’est encore possible, en unissant les forces qui se sont
portées au premier tour sur la France insoumise, le Parti communiste,
des socialistes, des écologistes, de l’extrême gauche, augmentées de
celles et ceux qui se sont abstenus. Il n’y aura pas de troisième tour
alors que la perspective d’un groupe à l’Assemblée nationale reste
ouverte avec la mobilisation des quartiers populaires et de la jeunesse,
de tous ceux qui ont fait le choix de Jean-Luc Mélenchon à l’élection
présidentielle.
Il s’agit ni plus ni moins que de corriger les effets
dévastateurs du présidentialisme et de faire vivre le pluralisme
politique indispensable à la vie démocratique. Donner les pleins
pouvoirs à un seul homme n’appartient pas à notre patrimoine
progressiste !
Patrick Le Hyaric
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