lundi 22 mai 2017

Bon appétit, M. Hulot !


Jeussey de Sourcesûre        


Dans « Mon oncle », un film de Jacques Tati sorti en 1958, un riche industriel veut éviter que son beau-frère, M. Hulot, personnage rêveur et bohème, n'influence son fils. Afin de l'éloigner, il le case dans son usine. Or, le grand-père paternel de Nicolas Hulot, architecte, vivait dans le même immeuble que Jacques Tati, lequel s'en serait inspiré pour créer le personnage auquel il a consacré deux films. Le champion de l’écologie s’en tirera-t-il mieux que le personnage de Tati dans ses démêlés avec le pouvoir des industriels ?

La nomination du militant écologiste mercredi par Edouard Philippe comme « Ministre de la Transition écologique et solidaire » a immédiatement provoqué une chute de la valeur des actions d’EDF de 7%. Depuis l'élection de Macron et la nomination du premier ministre, ancien cadre d’Areva, le monde de la finance s'attendait à une politique énergétique pro nucléaire, mais l’arrivée de Nicolas Hulot comme ministre de l'écologie a fait naitre des doutes dans l'esprit des investisseurs à ce propos. M. Andrea Tueni, analyste des marchés chez Saxo Bank France a déclaré : "Le marché réagit négativement à la nomination de Nicolas Hulot qui risque de se traduire par une ligne écologique plus stricte, compte tenu de l'histoire de l’intéressé en tant que militant environnemental".
Jusque là, Nicolas Hulot avait conseillé les présidents sur les questions environnementales, mais il avait toujours refusé un poste ministériel. Il a déclaré qu'il espérait que sa nouvelle fonction permettrait d’apporter des changements : " Je pense, même si je n’en suis pas sûr, que la nouvelle situation politique offre une possibilité d'action et je ne peux pas ignorer cela ", a-t-il déclaré sur Twitter.
Pragmatique, il a toujours eu de bonnes relations avec les entreprises françaises dont EDF qui figure parmi les sponsors de sa fondation. Il n’est pas particulièrement considéré comme « antinucléaire » mais a critiqué chez EDF la forte concentration de l’énergie nucléaire qui assure 75 pour cent de la production d'électricité en France.
Le plus grand opérateur mondial de centrales nucléaires, EDF, doit construire deux réacteurs nucléaires à Hinkley Point, en Grande-Bretagne pour un montant de 25 milliards d’euros et doit engager 50 milliards d'euros de dépenses pour améliorer son parc français vieillissant.
Dans un entretien avec un journaliste de Libération le mois dernier, Nicolas Hulot a déclaré que l'un des principaux défis de France sera de repositionner EDF sur un chemin compatible avec une transition de la dépendance à l'énergie nucléaire grâce à une utilisation renforcée des énergies renouvelables : "Alors que partout ailleurs la transition énergétique s'accélère, EDF se concerte avec Areva pour le développement de projets nucléaires coûteux comme Hinkley Point et n'investit pas suffisamment dans les énergies renouvelables ".
Interrogé par Le Parisien en mars sur la question de la « transition », il avait déclaré : " C'est un objectif à moyen terme. Plus l'énergie renouvelable deviendra compétitive, plus le modèle du nucléaire sera du domaine du passé ".
Interrogé sur une éventuelle fermeture de la centrale de Fessenheim, que François Hollande avait promis de fermer, Nicolas Hulot a déclaré que cette fermeture était importante mais qu’elle aurait un coût social : " Nous ne pouvons pas imposer une transition par la force. La transition doit être faite d’une manière acceptable ".
Contrairement à Ségolène Royal qui était ministre de l'énergie et de l’Environnement, Nicolas Hulot est « ministre de l'écologie et de la solidarité », et son titre ne fait pas mention de l'énergie.
Lors de la cérémonie de passation de pouvoirs, Nicolas Hulot a salué le travail de Ségolène Royal et a affirmé qu'il le protègerait son héritage qui comprend une loi de transition énergétique visant à réduire la part du nucléaire pour le ramener à 50% d'ici 2025.
En tant que ministre de l'Économie il y a deux ans, Macron avait mis en chantier la recapitalisation d’EDF, son alliance avec Areva et il avait apporté son soutien au projet Hinkley Point. De son côté, Edouard Philippe, a travaillé comme lobbyiste pour Areva de 2007 à 2010. Il sera intéressant de suivre les évolutions en matière de transition énergétique dans ce gouvernement qui ne semble pas s’effrayer outre mesure des contradictions.
Mais à plus court terme, le sujet d’environnement le plus sensible est celui de Notre-Dame-des-Landes. Le nouveau ministre de la Transition écologique et solidaire avait la réputation d’être un fervent opposant à ce projet d'aéroport, au point que, lors de la consultation sur le projet en 2016, il estimait que « son résultat ne pouvait être légitime ». Il s'est finalement incliné au lendemain du résultat en déclarant : « On ne peut pas demander d'aller voter et après, si le résultat ne nous plaît pas ne pas en tenir compte. En ce qui me concerne, je m'incline  ». Mais la population sensible aux questions environnementales continuent à fonder des espoirs sur ses convictions.

L’éolien est évidemment déterminant pour l’orientation des girouettes, mais les défenseurs de l’environnement n’ont jamais imposé à qui que ce soit de manger son chapeau. Bon appétit, M. Hulot. 

 

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