mercredi 29 mars 2017

Navalny et Bernanos, détenus d'ici et de là-bas

Daniel Scheidermann  

Toutes les télés françaises ont montré dimanche soir l'arrestation, à Moscou, de l'opposant russe Alexei Navalny. Navalny a été condamné lundi à quinze jours de prison.

Si je vous en parlais moi-même hier matin, ce n'est pas pour évoquer l'affaire Navalny en elle-même, mais pour pointer le silence de la propagande gouvernementale russe, hyper-active sur l'actualité française, à propos des accusations de corruption de Navalny contre le Premier ministre russe (pour les curieux, des extraits de sa vidéo d'enquête sur le système de corruption monté autour du Premier ministre Medvedev, video vue douze millions de fois, sont ici).
En France, un manifestant se trouve en détention préventive depuis mai 2016, soit environ 300 jours (20 fois, donc, la peine à laquelle a été condamné Navalny). Qui le dit ? Qui le rappelle ? Il s'appelle Antonin Bernanos (et je vous en parlais déjà en décembre dernier, c'est dire si j'ai de la suite dans les idées). C'est un étudiant en sociologie de 22 ans. Il serait aussi militant antifa, selon un site classé en rouge dans le Décodex (voyez, je donne tous les éléments), ce qui n'est pas un délit. Il se trouvait à proximité de la" fameuse voiture de police incendiée, quai de Valmy, en marge d'une manifestation anti-loi Travail, au printemps dernier (les images d'un policier bastonné par un manifestant avaient provoqué de vives réactions politiques).
Bernanos a été identifié par un témoin anonyme, qui s'est avéré être un policier, comme étant le manifestant qui a cassé la vitre arrière de la voiture de police, à l'aide d'un plot.
Ses avocats, et la Ligue des droits de l'homme, organisaient hier une conférence de presse, pour rappeler son sort à la mémoire des médias (et à la chambre d'accusation, qui doit se prononcer aujourd'hui, pour la troisième fois, sur une demande de mise en liberté). Si je le rappelle, ce n'est pas pour porter un jugement sur la durée de cette détention provisoire. Je n'ai pas d'éléments particuliers sur ce dossier. Pas davantage, d'ailleurs, que tous mes confrères qui décident, eux, que cette information n'est pas importante, puisque quasiment aucun n'a relaté la conférence de presse (à l'exception de Libération). (6) C'est pour rappeler que toute décision de relater ou de ne pas relater, d'écrire ou de ne pas écrire, de faire d'une affaire la manchette de Une ou une simple brève, relève d'une série de choix. L'Actualité en soi, transcendante, immanente, purement "factuelle", n'existe pas.

Et encore, si la presse s'intéresse un peu à Antonin Bernanos, peut-être est-ce parce qu'il a la chance d'être blanc, et d'origine bourgeoise, rappelle Geoffroy de Lagasnerie (7) (ici sur notre plateau (8)), pour qui de telles durées de détention provisoire sont, en France, dans la norme, s'agissant de détenus n'ayant pas, eux, la chance d'être blancs, et d'origine bourgeoise. Pour la morale de l'histoire, se reporter au paragraphe précédent.

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