jeudi 24 avril 2014

Reddition inconditionnelle des Palestiniens

Zeev Sternhell ( Haaretz)            

Pour l’instant, il n’y a aucune chance de réunir une majorité pour un accord équi­table ; la voie vers l’Afrique du sud est ouverte. 

L’exigence de recon­nais­sance d’un état juif par les Pales­ti­niens n’est pas une coïn­ci­dence ; il ne faut pas la prendre à la légère. C’est le moyen d’exiger que les Pales­ti­niens admettent leur défaite his­to­rique et recon­naissent le droit de pro­priété exclusive des Juifs sur le pays.
Aux yeux de la majorité au pouvoir il n’y a aucune dif­fé­rence entre les Arabes qui sont citoyens d’Israël et ceux qui sont rési­dents des ter­ri­toires [occupés, ndlt] , car la citoyenneté est vue comme une fiction légale qui peut être annulée. De toutes façons, elle est infé­rieure à l’affiliation nationale. Selon cette approche, la nation est une création de l’histoire ou une création divine – d’autres diraient une création de la nature – alors que la citoyenneté est arti­fi­cielle, produit d’une décision arbitraire.
Aux yeux de la droite, le peuple juif a gagné une vic­toire his­to­rique en occupant le pays au cours d’un pro­cessus qui a com­mencé avec la pre­mière Aliyah – la vague d’émigration de 1882 à 1903 – et qui a continué jusqu’à nos jours. Ses deux sommets ont été la guerre d’indépendance et la guerre des six jours, toutes deux parties de la même séquence de colo­ni­sation. En ce sens il n’y a pas de dif­fé­rence entre l’occupation de parties du pays avant et après 1949, tandis que la ligne verte n’a aucune signi­fi­cation à part d’être une ligne de cessez-​​le-​​feu temporaire.
La droite, avec tous ses sous-​​groupes, pense qu’elle exprime le consensus sio­niste, et dans une grande mesure, elle a raison. Depuis le début, les dif­fé­rences d’opinion dans le mou­vement natio­na­liste concer­naient les moyens plutôt que la fin. Il y a eu une lutte pour le pouvoir entre le Mapaî – l’ancêtre du parti tra­vailliste – et les Révi­sion­nistes – ancêtres du Likoud, mais ce n’était pas sur l‘essence du natio­na­lisme juif. Le mou­vement tra­vailliste ne recon­naissait pas lui non plus les droits nationaux des Pales­ti­niens. Pour ses diri­geants et pour ses pen­seurs, le contrôle du pays par les Juifs était enchâssé dans l’histoire, et non dans le droit naturel du peuple à être son propre maître.
Selon eux, l’histoire passe avant les désirs, les besoins et les aspi­ra­tions du peuple. Les valeurs huma­nistes n’étaient pas au cœur de la pensée du Mapai, et jusqu’à nos jours elles n’ont pas été absorbées par le parti travailliste.
Par consé­quent, pour les diri­geants d’Israël, le mot « accord » signifie red­dition incon­di­tion­nelle des Pales­ti­niens. Pour que le droit exclusif des Juifs au ter­ri­toire soit complet et reconnu, les Pales­ti­niens doivent recon­naître leur infé­riorité. Cette per­ception est pro­fon­dément ancrée dans la conscience israé­lienne et elle est par­tagée par la droite, le centre et le centre-​​gauche, les villes de la péri­phérie du pays et le Grand Tel Aviv, le parti tra­vailliste et le Likoud. Ils rejettent tous le principe de l’égalité des droits pour les Arabes.
C’est pourquoi il est absurde d’attendre de l’armée qu’elle se conduise avec un minimum de moralité dans les ter­ri­toires [occupés], tout comme il est dif­ficile d’imaginer que la Cour suprême prenne une approche stric­tement éga­li­taire vis-​​à-​​vis des Juifs et des Pales­ti­niens. Depuis le début du mou­vement de colo­ni­sation, cette ins­ti­tution, qui est sup­posée servir de symbole du libé­ra­lisme et de la démo­cratie d’Israël, a agi comme l’armée, la police et le service de sécurité du Shin Bet, en bras de la règle d’Israël sur les ter­ri­toires occupés.
Il n’y a donc aucune chance pour l’instant, de réunir une majorité pour un accord équi­table. Même si le Likoud se divisait mira­cu­leu­sement, dans un chan­gement conduit par le premier ministre – qui essaierait de finir comme un de Gaule plutôt que comme un fils du Prof. Neta­nyahou – et si on trouvait la majorité requise, de larges frac­tions de la popu­lation ne le consi­dé­re­raient pas comme légitime. Per­sonne n’aurait le courage de mettre en œuvre cette nou­velle politique.
Donc, l’occupation conti­nuera, les terres seront confis­quées à leurs pro­prié­taires pour étendre les colonies, la vallée du Jourdain sera net­toyée de ses Arabes, la Jéru­salem arabe sera étranglée par les quar­tiers juifs, et tous les actes de vol et d’irresponsabilité qui servent l’expansion juive dans la ville seront accueillis à bras ouverts par la Haute cour de justice.

La voie vers l’Afrique du sud est ouverte et elle ne sera pas bloquée tant que le monde occi­dental ne pré­sentera pas à Israël un choix sans équi­voque : stopper l’annexion et déman­teler la plupart des colonies et l’état colon, ou être un proscrit.

Ndlt : Zeev Sternhell est un his­torien et spé­cia­liste en sciences poli­tiques israélien, cofon­dateur du mou­vement La paix maintenant.
Source : Haaretz
Traduction : AFPS/​RP

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