lundi 30 décembre 2013

L'Afghanistan n'en voit pas le bout...

Woodward et Newton     

Qu'est ce qui peut bien pousser les grandes puissances en général, et les USA en particulier, a vouloir imposer leur conception du bonheur aux afghans ?

À quelques semaines d'intervalle, l'Afghanistan revient en première page de l'actualité d'une bien sombre manière.
D'abord dans la version 2013 du rapport du bureau Drogues et Crime de l'ONU (UNODC Afghanistan Opium Survey 2013) parue le 13 novembre et qui a de quoi décourager les ONG les plus optimistes.
Les surfaces cultivables consacrées à la culture du pavot ont en effet atteint en 2013, leur sommet historique avec une estimation de l'ordre de 209 000 hectares. Le précédent record datait de 2007 avec 193 000 hectares. 

Croissance à deux chiffres... de la production d'opium

Par rapport à 2012 qui a vu l'armée US faire preuve d'une certaine forme de lassitude face à une phénomène qu'elle a renoncé à éradiquer (9 672 hectares en 2012 contre seulement 7 348 hectares de plans de pavot arrachés cette année), la progression des surfaces cultivées est de 36%. Plus d'un tiers donc.
Les enquêteurs de l'ONU ont même découvert que les provinces de Faryab et de Balkh dans le nord du pays où l'on ne trouvait plus de trace de pavot ces dernières années, ont repris les bonnes habitudes. 
De très mauvais augure à la veille du retrait des forces internationales du pays qui va s'accélérer en 2014 année électorale qui plus est. Globalement, l'ex-colonie de vacances de Ben Laden a produit 5 500 tonnes d'opium en 2013 soit une progression de 49% par rapport à l'année précédente. 
Conséquence du volume accru de marchandise mise sur le marché, les traders en opium frais n'ont pu empêcher cette année une baisse de 12% du cours de la spécialité locale passé de 163 à 143$ le kilo, et de 196 à 172$ le kilo pour le produit sous sa version sèche :  l'hectare de pavot à donc procuré cette année à son exploitant un revenu brut de 4 500$ contre 4 600$ en 2012 ; comme quoi même à Kaboul, la gourmandise reste un vilain défaut. 
Encore heureux que les conditions météorologiques dans les provinces occidentales et méridionales aient été déplorables cette année sinon un certain nombre de tribus auraient sans doute fait péter le champagne un peu plus fort.


Du côté des états-majors, des chancelleries et des ONG étrangères qui s'emploient en pure perte jusqu'à présent mais en maniant alternativement la carotte et le baton, à faire basculer le pays dans l'ère moderne contre son gré, on tente évidemment trouver une explication à ce cuisant échec.
C'est Transparency International qui a apporté l'élément de réponse la plus récent via la publication ce 3 décembre, de son très attendu «Indice de Perception de la Corruption» dans le secteur public. En compagnie de la Corée du Nord et de la Somalie, l'Afghanistan tient solidement la queue du peloton des 177 pays passés au crible de l'ONG canadienne. Pour l'histoire, le Danemark et la Nouvelle Zélande se partagent la première place.
Avec un taux « perçu » de corruption de son secteur public de 91%, pas étonnant que le pays ne connaisse que des succès d'estime de la part des unités policières chargées de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
 Il n'est sans doute pas inutile de rappeler qu'un an après la constitution de la coalition internationale venue « libérer » le pays de l'emprise talibane, celui-ci était  devenu le fournisseur de 60% de l'héroïne mondiale avec des surfaces consacrées à la culture du pavot excédant largement le total de celles que la Colombie, le Pérou et la Bolivie dédient à la feuille de coca.


Une mono-culture qui fait du tort au pays sur la scène internationale et qui ne constitue en réalité que l'arbre qui cache la forêt. 
Car les grandes puissances venues prétendument lui prêter main forte contre l'obscurantisme taliban et moudjahidine avaient manifestement d'autres idées en tête. 
Il y a longtemps que les soviétiques ont découvert les fantastiques réserves d'uranium du pays. Le Général Lyakhovsky qui s'est essayé à la littérature avec son « Tragédie et Honneur en Afghanistan » n'a, par exemple, nullement fait mystère du risque que le précieux minerai puisse un jour tomber aux mains du Pakistan et de l'Iran pour approvisionner leurs programmes nucléaires respectifs. Un sujet évoqué lors du meeting présidé par L. Brejnev le 8 décembre 1979 qui a donné le top-départ de l'invasion du pays par Moscou.

L'autre trésor afghan

Une piteuse campagne payé au prix d'environ 15 000 morts au total, suivi d'une deuxième couche plus sournoise, constituée par les 20 000 personnes qui meurent aujourd'hui chaque année en Russie des conséquences d'overdose à l'héroïne.
Plus recemment, ce sont donc les USA qui se sont mis en tête de décrocher le pactole.
 Car une étude géologique des richesses minérales afghanes dont l'existence a été révélée en 2007 lors de la conférence organisée par la Chambre de Commerce Américano-Afghane, a probablement suscité de nouvelles mauvaises pensées en haut lieu.
 Plus récemment, un rapport conjoint du Pentagone, de l'organisation US Geological Survey (USGS) l'équivalent de notre BRGM stratégique, et de USAID évoqué le 14 juin 2010 par le New York Times ("US identifies vast mineral riches in Afghanistan") et par la BBC, laisse miroiter des réserves «jusque là inconnues» de minerais de fer, de cuivre, de cobalt, d'or et autre lithium, un composant indispensable aux batteries des ordinateurs et téléphones portables.
Bref, « il y a un potentiel ahurissant ici, certes avec des tas d'inconnues mais que j'estime énormément significatif » comme l'a résumé le général David Petraeus patron des troupes US en Afghanistan juste avant que ses indiscrétions le contraignent à rendre son tablier.

C'est la Strategic Culture Foundation, un Think Tank s'exprimant avec un fort accent russe, qui, dans une enquête très reprise de Michel Chossudovsky publié le 18 juin 2010, (the war is worth waging : Afghanistan vast reserves of minerals and natural gas" - cf. www.strategic-culture.org) a magistralement défini les enjeux : mettre la main sur un véritable trésor qui attise toutes les convoitises.
Des rubis, des émeraudes, des masses d'or, d'argent, de bérillium, de thorium, de lithium et de tantalium, sans parler du colossal gisement de cuivre d'Aynak dans la province d'Helmand à moins de 40 kilomètres de Kaboul, aujourd'hui considéré comme le plus important d'Eurasie, qui laissent clairement supposer que les armes ne sont pas prêtes de se taire dans cette région du monde. 

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