La campagne (BDS) de boycott des produits provenant des colonies fait la une des
médias. Par contre, la vente des produits palestiniens reste discrète. Comment
faire pour acheter des produits palestiniens ? Investig’Action est allé à la
rencontre de Jean-Marie Dansette, fondateur de l’association Le Philistin. Cet
homme fait le pont entre les agriculteurs palestiniens et nous, Occidentaux.
Comment est né le projet du
philistin ?
Le projet est né il y a une
dizaine d’années. C’était à la suite d’un premier voyage en Palestine. C’était
pendant l’intifada. C’est en réaction à ce que j’ai vu, aux rencontres que j’ai
faites, en particulier d’agriculteurs, de producteurs palestiniens. Je me devais
d’agir pour les aider à vendre et promouvoir l’huile d’olive de
Palestine.
Mais beaucoup d’organisations
viennent déjà avec de l’argent et des projets pour la
Palestine…
Les Palestiniens que j’ai
rencontrés m’ont dit : « Nous ne sommes pas des mendiants. Notre problème est
politique : c’est l’occupation des territoires, c’est l’empêchement de
circulation des personnes, des marchandises ». Les Palestiniens savent faire
beaucoup de choses, et ce qui leur manque, c’est la commercialisation de leurs
produits : récolter l’argent de leur travail. Mes interlocuteurs avaient une
belle phrase pour résumer leur situation : « Nous avons une main cassée et
une main qui travaille ». Mais pas une main qui mendie ! Cette attitude m’a
marqué. Il fallait engager quelque chose dans cette voie-là.
J’étais artisan dans le bâtiment
et j’ai toujours travaillé avec ma femme qui est comptable. Nous avions du
matériel et des compétences pour gérer une entreprise. Nous avons donc décidé de
créer une association qui s’appelle Le Philistin. Nous importons de
l’huile d’olive pour la promouvoir ici.
Je suppose que vous vous êtes
d’abord tournés vers le mouvement de solidarité avec la
Palestine ?
Quand nous avons débuté, nous
nous sommes dirigés vers le mouvement de solidarité. Ils ont été intéressés par
notre projet et ont fait connaître Le Philistin et notre huile d’olive.
Mais ce n’était pas suffisant, il fallait populariser le produit et ne pas se
limiter au réseau de militants. Nous avons essayé de l’ouvrir à un public plus
large. Nous nous sommes d’abord tournés vers des boutiques qui font du bio et du
commerce équitable.
Dans le même temps, nous avons
créé un site internet : www.fipsouk.fr. FIP sont les initiales de France Import
Palestine et souk signifie marché en arabe. À partir du site, les personnes
peuvent commander leurs produits. Cela permet aussi de sensibiliser les
personnes qui s’intéressent à la qualité d’un produit. Que ce soit de l’huile
d’olive ou des chaussures conçues à Hébron, nous touchons un public qui n’est
pas nécessairement engagé. Nous répondons à une autre demande des Palestiniens
qui veulent mettre en avant leur savoir-faire et pas seulement l’aspect
solidarité.
Avez-vous eu des difficultés
à importer des produits palestiniens en France ?
Non, pas de difficultés à ce
niveau-là. Depuis dix ans, nous importons trois containers par an. Néanmoins,
nous avons eu trois problèmes. Nous avons eu un problème avec les douanes
françaises. Elles ont refusé l’huile d’olive palestinienne vu que soi-disant,
elle n’était pas aux normes européennes. Le container a dû être renvoyé. Une
autre fois, nous avons eu un retard d’un container parce qu’il y avait un
mouvement social de dockers israéliens qui bloquaient les containers à Haïfa. Et
la dernière fois, c’était moi qui avait fait une erreur administrative. J’avais
mis des cartes qui représentent la situation de blocage actuel en Palestine avec
le mur, les checkpoints et les avais glissées dans les palettes d’huiles
d’olive. Je n’avais pas déclaré la présence de ces cartes. La sécurité
israélienne a menacé de détruire la marchandise. Elle a bloqué le container.
Après trois semaines de négociations, le container a été libéré moyennant une
amende et des frais de stockage sur le port de Haïfa. Cependant, nous ne
pouvons pas dire que la marchandise ne circule pas. C’est peut-être un peu plus
long et plus cher.
Les Palestiniens sont
considérés ici la plupart du temps comme des combattants ou des
victimes…
Malheureusement, les médias
présentent toujours les Palestiniens comme des terroristes ou des victimes. Dans
notre culture occidentale, nous avons toujours eu une mentalité de colon. Nous
aimons être les généreux donateurs, paternalistes, maîtres de la situation.
Heureusement, des associations donnent un autre son de
cloche.
À mes yeux, il y a une autre
forme de résistance : la production pour l’indépendance économique. Pour eux,
c’est tellement important de récolter l’argent de leur travail ! Le peuple
palestinien n’est pas un peuple qui mendie mais qui réclame ses droits. Les
gouvernements occidentaux - relayés par les ONG - effacent un peu ce côté
politique, cette demande des Palestiniens de circuler librement, de disposer
d’eux-mêmes.
Mais ce n’est pas seulement en
Palestine que cela fonctionne ainsi. Le peuple palestinien est en résistance et
veut avoir une indépendance économique parce qu’il a des capacités de production
limitées dues à l’occupation. Ils ont surtout des capacités dans le domaine de
l’agriculture, dans le domaine de la confection, dans l’artisanat. Ils ont
beaucoup de choses à faire valoir !
Il en est de même pour le
tourisme. C’est très important pour eux d’avoir un tourisme traditionnel. Cette
région a un patrimoine incroyable. Principalement, les visiteurs que l’on trouve
là-bas sont soit des pèlerins soit des militants. C’est un réel problème. Les
Palestiniens aimeraient qu’il y aient des personnes qui viennent pour visiter,
qu’elles achètent des souvenirs comme on le fait partout.
Les producteurs voudraient être
reconnus pour ce qu’ils sont. Malgré la situation, ce sont des personnes debout.
Ils ont une dignité. D’ailleurs, c’est ce qu’ils leur restent. Ils me disent à
propos de ceux qui viennent avec des projets et de l’argent : « Chez nous,
vous ne verrez personne qui dort dans la rue. Vous ne verrez pas de mendiants
malgré la situation. Chez vous, nous avons vu des personnes qui dorment dans la
rue, des mendiants sous la neige. Occupez-vous de vos pauvres. Nous, les nôtres,
nous savons nous en occuper ». La pauvreté est présente en Palestine.
Cependant, une structure sociale gère cela. Cela va faire plus de dix ans que
nous travaillons. Notre travail commence à être reconnu. Notre but est de
redonner espoir aux agriculteurs palestiniens.
Qu’est-ce que votre
association attend des citoyens ?
Ce que nous attendons de la
population, c’est qu’on ait beaucoup plus de relais vu que nous sommes une
petite structure. Nous n’avons pas de gros budgets pour faire de la publicité et
du marketing. C’est le rôle des militants de promouvoir ce genre d’initiatives.
Bien que la campagne BDS de boycott de produits israéliens va bon train,
n’oublions pas de promouvoir les produits palestiniens dans le même temps. Par
exemple, nous n’entendons parler que des dattes qui sont confisquées dans la
vallée du Jourdain par les colons. Pourquoi ne parlons-nous pas du travail
remarquable que font les agriculteurs palestiniens ? Il est primordial que les
citoyens aillent dans les commerces en avertissant que certaines des dattes
vendues proviennent des colonies. Mettons-les en face de leurs
responsabilités !
Où en est le
philistin ?
Nous avons créé en 2004 France
Import Palestine. Moi-même, je suis salarié de cette entreprise. Nous sommes
quatre salariés. Nous nous sommes transformés d’association en entreprise. Nous
sommes professionnels maintenant. L’association Le Philistin s’occupe de
la sphère culturelle. France Import Palestine est le fer de lance. Elle s’occupe
de l’importation, de la diffusion et de la promotion des produits
palestiniens.
Quels sont vos projets à
venir ?
Nous avons un projet qui se
déroulera au mois d’août à Rodez, dans l’Aveyron en France. Nous allons fêter
les dix ans d’existence de l’association Le Philistin. Nous allons mettre
en place un événement qui s’appelle « La Palestine en campagne ». Des
producteurs et des artistes palestiniens viendront dans notre village. Nous
allons faire de la restauration palestinienne dans des stands placés à cet
effet. Aussi, un grand marché de produits palestiniens sera mis en
place.
Ensuite, au niveau des autres
projets, ils sont plus du côté de l’association. Nous proposons à des personnes
de visiter la Palestine. Notre but n’est pas de les envoyer sauver la Palestine,
il y a des personnes habilitées pour cela. Nous leur permettons de visiter la
Palestine avec une agence de voyage très intéressante qui fait découvrir la
Palestine historique. Elle met en avant le patrimoine palestinien qu’est en
train de s’approprier le gouvernement israélien. Cette agence de voyage
s’appelle diwan voyage
et est basée à Ramallah. Nous développons aussi la restauration palestinienne.
Pour cela, nous avons fait venir du matériel de Hébron pour réaliser les plats
traditionnels. Nous essayons au maximum de faire du 100% palestinien.
Il faut
montrer que la Palestine existe. Un travail au niveau politique doit être fait :
boycotter, mettre le gouvernement israélien devant ses actes. Mais en même
temps, il faut que les Palestiniens existent en tant que peuple en mettant en
avant leur patrimoine, leur identité et leur culture.
Site du Philistin
Propos recueillis par Mouâd
Salhi pour Investig’Action michelcollon.info
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