Les achats d'armes aux Etats-Unis ont connu une augmentation
fulgurante après le massacre qui a eu lieu dans une école primaire à Newtown. La
société Peter Brownell, plus grand fournisseur mondial de munitions et
d'accessoires, a distribué en trois jours une quantité de chargeurs quelle
écoulait ordinairement en trois ans et demi.
La cause se trouve dans le fait que
le Potus Barak Obama avait exprimé la demande d'une loi au Congrès qui
interdirait la vente de fusils d'assaut et des chargeurs à grande capacité. Cela
s'est produit alors que l'attente la plus rationnelle serait d'espérer une prise
de conscience du danger et une inversion de l'opinion vis-à-vis du surarmement
de la population.
Dans le même temps, cette attitude aurait ignoré une
caractéristique fondamentale de la société étatsunienne. Une société cultivée
dans l'individualisme le plus exacerbé que l'humanité ait connu. Une célèbre
phrase d'Alexis de Tocqueville résume, à elle seule, les effets de ce qu'on
appelle l'«american way of life» : «Tentez de sauver quelqu'un qui veut se
suicider aux Etats-Unis, et l'on considérera que vous portez atteinte à sa
liberté.» La phrase date de près de deux siècles, durant lesquels a été renforcé
jusqu'au paroxysme le principe du chacun pour soi, enrobé dans le mythe du «rêve
américain», plus qu'une simple idéologie, une religion, où l'individu est
exalté, ne devant sa réussite ou son échec qu'à lui-même, en tant
qu'homo-oeconomicus accompli.
On a vu l'expérimentation de la chose dans la
levée de boucliers contre l'idée de la couverture sociale universelle, dont l'un
de ses pourtant défenseurs, Roger Cohen, ne se prive pas d'écrire dans le New
York Times que «si les chômeurs bénéficient de trop d'avantages, les gens
choisiront de rester à la maison plutôt que d'aller travailler». Une étude du
Pew Research Center révèle, quant à elle, que pour «58% des Etatsuniens que la
liberté d'atteindre ses objectifs dans la vie, sans interférence étatique, est
plus importante que la prise en charge par l'Etat des personnes dans le besoin».
On comprend dès lors que des gens, soumis à une telle pression et à l'absence de
solidarité, vivent dans la peur permanente de l'échec et dans l'intime
conviction que leurs concitoyens ne sont rien d'autres que des concurrents ou
des adversaires qui représentent la mesure de leur propre réussite. Autant
d'ingrédients qui intègrent une personnalité de base susceptible de produire ces
tueurs de masse que connaît le pays et cette propension à se doter d'un arsenal
à même de garantir la sécurité de l'individu et de ses biens, face à un
environnement social qui n'offre aucune chance aux plus faibles.
La réponse de
la Maison-Blanche et de quelques sénateurs démocrates, en renfort à Obama, n'est
que cette dérisoire tentative de limiter la puissance de feu permise jusqu'ici.
Parce qu'il ne peut en être autrement. Ces représentants du système savent
qu'ils ne peuvent aller plus loin, sans provoquer un débat de fond sur les
fondements même de la société. Sans état d'âme, le lobby des armes, la National
Rifle Association (NRA), propose de positionner des policiers armés devant
chaque école.
Article publié sur
Les Débats
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